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Loi 2005... Quelles avancées ?

  • publiée dans le JO Sénat du 24/03/2010 - page 1954

 

La parole est Mme Michelle Demessine

Mme Michelle Demessine.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées devait poser les bases d'une société moins discriminante. Elle fut au moment de son vote porteuse d'espérances pour des millions de personnes handicapées.

Mais depuis lors, son application lente et souvent a minima, les nombreuses modifications apportées au texte initial, la volonté, au fil du temps, de la vider de sa substance, sont si manifestes que tout porte à croire qu'elle ne fut qu'une loi d'affichage.

Il en est ainsi de l'accès au logement et aux bâtiments publics : le Gouvernement est revenu sur les dispositions initiales, et les dérogations ont aujourd'hui tendance à devenir la règle et non des exceptions, comme avec l'extension des quatre dérogations prévues pour l'ancien aux constructions neuves qu'heureusement le Conseil constitutionnel a déclarée contraire à la Constitution.

Il en est ainsi s'agissant de l'emploi des personnes handicapées : leur taux de chômage, on le sait, est deux fois supérieur au reste de la population. Dans les PME, on ne dénombre que 3 % de personnes handicapées. La loi de 2005 a prévu que les entreprises n'employant pas de personnes handicapées s'acquittent auprès de l'AGEFIPH, l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, de 1 500 fois le SMIC horaire. Pourtant, fin décembre, vous avez reporté de six mois cette sanction financière à l'égard des PME de moins de 50 salariés en arguant du « contexte économique exceptionnel ». Pensez-vous juste que ce soit toujours aux personnes handicapées de faire les sacrifices ?

Et puis, vous le savez bien, pour relever le défi de rendre effectif le droit au travail pour les personnes handicapées, il n'y aura jamais de moment propice si l'État n'affirme pas haut et fort sa volonté. Une fois encore, avec ce report, celle-ci fait défaut.

L'une des grandes avancées de la loi a été de consacrer le droit de chaque enfant à être scolarisé dans l'école de son secteur et d'affirmer le devoir de l'État de mettre en place les moyens financiers nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire.

À l'heure du bilan, force est de constater que l'obligation de scolarisation est loin de concerner l'ensemble des enfants en situation de handicap. Certes, ils sont de plus en plus nombreux à bénéficier de la scolarisation, mais il reste à déplorer que l'éducation nationale, en se désengageant comme elle l'a fait sur le dossier des auxiliaires de vie scolaire, n'a pas mis en place les moyens propres à développer l'accès de tous à l'école.

À l'heure actuelle, ces moyens sont défaillants et entraînent au quotidien des difficultés pour les enfants et adolescents qui se retrouvent victimes de discriminations : discriminations dans l'accès à l'école et également discriminations dans la réalisation, voire la poursuite de leur parcours scolaire. Sans l'égalité des chances ouverte à tous au niveau de l'école et des parcours scolaires, les personnes en situation de handicap se retrouvent dans une spirale de discriminations organisées tout au long de leur vie.

S'agissant de l'innovation principale de la loi, le droit à compensation, la loi a prévu, pour assurer le respect du projet de vie de la personne handicapée, l'élaboration obligatoire d'un plan personnalisé de compensation. Or, une proposition de loi vient de rendre ce droit optionnel et non obligatoire, ce qui reviendra, on le sait, à limiter son champ d'application.

Enfin, malgré la promesse présidentielle d'augmenter de 25 % l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, force aussi est de constater que celle-ci reste inférieure au niveau du seuil de pauvreté. On reste encore très loin de la création d'un revenu d'existence au moins égal au SMIC que revendiquaient avec force, à l'occasion de la loi en 2005, toutes les organisations représentatives du monde des personnes handicapées.

D'autant qu'aujourd'hui, il faut le dire, un certain nombre de mesures de restriction d'accès à la santé décidées par le Gouvernement, avec notamment les franchises médicales, la participation forfaitaire, l'augmentation du forfait hospitalier, la fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail et le déremboursement de médicaments, sont venues encore amputer les maigres ressources des bénéficiaires de l'AAH. Il suffirait pourtant simplement d'augmenter le seuil d'accès à la couverture médicale universelle complémentaire pour que ceux-ci recouvrent un peu plus de dignité devant le droit à la santé, dont ils ont besoin plus que nul autre.

Madame la secrétaire d'État, vous le savez, la colère gronde au sein des personnes handicapées, qui, pour un très grand nombre, se sentent trahies par la non-application d'une loi pourtant prometteuse pour leur droit à la citoyenneté et à une vie digne.

Elle s'exprimera fortement le samedi 27 mars prochain par des manifestations dans toute la France. Qu'allez-vous leur répondre ? Quelles sont les dispositions qu'entend prendre le Gouvernement pour tenir ses engagements, cinq ans après la loi ?

M. le président : La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Madame la sénatrice, la loi du 11 février 2005 a affiché de grandes ambitions pour l'égalité des droits et des chances en faveur des personnes handicapées. Le Gouvernement et le Parlement ont, depuis cinq ans, contribué au processus d'amélioration continu de ce texte porteur de tant d'espoir pour les personnes handicapées et leurs familles.

La loi de 2005 concerne les aspects de la vie quotidienne. Au lendemain du cinquième anniversaire de la loi, 150 textes d'application ont été publiés.

Permettez-moi de répondre point par point à vos interrogations.

S'agissant de l'accessibilité des lieux publics et des transports, nous devons redoubler nos efforts pour être au rendez-vous de 2015. Pour cela, trois principes d'action ont été privilégiés : donner un nouvel élan à la politique d'accessibilité, accompagner les entreprises dans la mise en accessibilité et améliorer l'accès aux nouvelles technologies. Grâce à ces actions, le droit opposable à l'accessibilité sera garanti pour 2015.

En ce qui concerne l'emploi, le renforcement des contributions financières en cas de non-respect de l'obligation d'emploi par les entreprises de plus de vingt salariés ou par la fonction publique commence à porter ses fruits.

Actuellement, 750 000 personnes sont dans l'emploi, dont 80 % en milieu ordinaire, ce qui représente une augmentation de 4 % dans le secteur privé depuis 2005. Ainsi, 40 % des entreprises atteignent ou dépassent le taux de 6 %. Dans le secteur public, le taux d'emploi est passé de 3,7 % en 2005 à 4,4 % en 2009. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes !

La mesure de souplesse accordée aux PME que vous mentionnez est favorable à l'emploi des personnes handicapées, et non l'inverse. La période de six mois est un délai de trésorerie rendu obligatoire par la crise économique sans précédent que traverse notre pays. Je vous rappelle que, pour l'année 2009, les procédures de redressement et de liquidation ont augmenté de 11,4 % par rapport à 2008. Ce taux a augmenté de 61,4 % pour les PME. Dans ce contexte, nous devons éviter de fragiliser notre tissu économique.

Passé ce délai de six mois, soit les entreprises auront conduit des actions prévues par la loi du 11 février 2005 et elles s'acquitteront de leur contribution sur la base de 400 fois le SMIC par unité manquante, soit elles n'auront rien accompli et, dans ce cas, elles paieront leur contribution sur la base de 1500 fois le SMIC.

Un autre sujet de préoccupation dont vous faites état est la scolarisation des enfants, des adolescents et des adultes handicapés. Notre mobilisation dans ce domaine permet aujourd'hui à 180 000 élèves d'être accueillis dans les établissements scolaires ordinaires du premier et du second degré, soit 10 000 de plus à chaque rentrée scolaire.

Ce chiffre traduit un accroissement constant et significatif – de 20 % par rapport à 2005 – du nombre d'enfants et de jeunes handicapés accueillis dans les établissements scolaires ordinaires. Le taux global de scolarisation dans le milieu ordinaire est ainsi passé de 66,5 % en 2005-2006 à 71,9 % en 2008-2009.

Ces progrès n'auraient pas été possibles sans un effort massif de l'État. À chaque rentrée scolaire depuis 2007, ce sont près de 250 classes nouvelles de CLIS, classes d'intégration scolaire, ou d'UPI, unités pédagogiques d'intégration, qui sont créées.

Près de 20 000 auxiliaires de vie scolaire en équivalent temps plein, ou ETP, soit 5 000 nouveaux auxiliaires de vie scolaire, ou AVS, à chaque rentrée scolaire depuis 2007, plus de 12 700 postes d'enseignants spécialisés et plus de 1 300 enseignants référents assurent les fonctions spécifiques d'encadrement et d'accompagnement de ces élèves.

Enfin, l'État accompagne les personnes handicapées dans leur vie de tous les jours en contribuant à leur maintenir un revenu décent.

L'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, sera revalorisée de 25 % entre 2008 et 2012. Cela représentera, au total, un effort de 1,4 milliard d'euros : l'AAH atteindra ainsi en 2012 un montant mensuel de 776 euros. Cette allocation permet aujourd'hui à 850 000 personnes de vivre dignement, ce qui représente une dépense totale de 5,8 milliards d'euros par an.

Beaucoup de choses ont été faites mais il y a encore beaucoup à faire.

Le Comité interministériel du handicap, ou CIH, que le Premier ministre a installé le 9 février dernier, ainsi que l'Observatoire de l'accessibilité et de la conception universelle que Nadine Morano a installé le 11 février vont nous y aider. Nous parviendrons à tenir nos engagements et à être prêts pour 2015 si nous mettons en place un pilotage rigoureux, fondé sur des indicateurs précis.

Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement est au rendez-vous des engagements pris en 2005, et il le restera pour atteindre les objectifs en 2015.

 

 

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08/06/2010
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